Par: Gwendal Le Colleter
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L’appel incident contre un co-intimé, l’autorise à former lui-même un appel incident (ce n’était pas évident…)
La complexité des dispositions procédurales gouvernant désormais l’appel, dans un objectif non affiché, mais qui fait peu de doute, de permettre aux juridictions d’écarter rapidement un nombre significatif de recours qui leur sont soumis, oblige la Cour de Cassation à préciser l’interprétation qui doit être faite de ces textes.
C’est ce qu’elle a notamment fait, dans un arrêt du 14 avril 2022, en interprétant l’article 910 du Code de Procédure Civile, à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le débat portait sur le point de savoir si l’appel incident formé par un intimé, contre un autre co-intimé, autorisait ce dernier, concluant au-delà du délai de trois mois à compter de la signification des conclusions de l’appelant, qui lui normalement est imparti pour former appel incident (vous suivez ?), à :
- Soit uniquement à s’opposer à l’appel incident formé à son encontre, et à se contenter de solliciter la confirmation des dispositions critiquées par cet appel incident ;
- Soit, non seulement à s’y opposer, mais à former lui-même un appel incident (provoqué par l’appel incident du premier intimé), en demandant une réformation du jugement, qui avait partiellement fait droits aux demandes formées à son encontre, afin d’obtenir leur rejet total en appel (vous suivez toujours ?).
Au cas d’espèce, le premier intimé, qui avait formé appel incident, le dernier jour qui lui était imparti pour ce faire (…), dans les trois mois des conclusions de l’appelant, revendiquait l’application de la première solution, en soutenant que la lettre de l’article 910 du Code de Procédure Civile interdisait à son co-intimé de solliciter la réformation du jugement à son profit, au-delà de ce même délai (lui interdisant, de facto, de réagir à l’appel incident formé in extremis à son encontre, autrement qu’en se contentant de demander la confirmation du jugement) .
La Cour d’Appel de Versailles l’avait approuvé, déclarant l’appel incident du co-intimé, formé au-delà du délai de trois mois à compter des conclusions de l’appelant, irrecevable.
La Cour de Cassation a (à juste titre) retenu qu’une telle interprétation était contraire au droit à un procès équitable, et a au contraire retenu, en censurant l’arrêt d’appel, « qu’est recevable dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident l’appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé en réponse à l’appel incident de ce dernier qui modifie l’étendue de la dévolution résultant de l’appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier ».
Cass Civ. 2ème 14 avril 2022 pourvoi 20-22.362, publié au Bulletin