Mesures d’urgence – Sort des contrats commerciaux
Contrats autres que le bail commercial
Les contrats commerciaux dont l’exécution est rendue impossible par les mesures prises contre l’épidémie sont susceptibles d’être suspendus sur le fondement de la notion de force majeure.
Définie par l’article 1218 du code civil, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Si une épidémie n’est en soi un cas de force majeure automatique, celle du Covid-19, par son ampleur et surtout en raison des mesures drastiques adoptées par la plupart des États, semble bien pouvoir entrer dans cette catégorie. Bien évidemment, il convient d’être prudent car l’appréciation des Tribunaux sur les cas de force majeure est assez restrictive pour des raisons évidentes de sécurité juridique.
Notamment, les mesures de fermeture de catégories d’entreprises, mais également de confinement de la population (et donc des consommateurs) paraissent bien rendre impossible pour l’entreprise l’exécution d’une partie au moins de ses contrats.
Attention néanmoins, car les contrats peuvent contenir des dispositions venant aménager les droits des parties en cas de survenance d’un cas de force majeure.
La première priorité est donc de relire ses contrats !
La force majeure est susceptible d’entraîner :
- Dans le cas général : une suspension des obligations du contractant empêché ;
- Lorsque le retard qui en résulterait serait trop important : la résolution du contrat ; il faut pour cela que le retard soit tel qu’il rende la prestation inutile. Dans ce cas, le contrat s’éteint et il faut éventuellement procéder à des restitutions.
Une étude au cas par cas est indispensable pour établir si la force majeure est applicable à vos contrats.
Les baux commerciaux
Les informations contradictoires se multiplient sur le sujet des baux commerciaux.
L’État a annoncé un mécanisme de report des loyers commerciaux. Néanmoins, il faut bien en saisir les limites :
- Il s’agit d’un simple mécanisme de report du loyer et non d’une annulation. Les loyers reportés seront lissés sur les échéances suivantes ;
- Ce mécanisme ne concerne que les entreprises dont l’activité est suspendue par l’arrêté ;
- L’accord n’a été trouvé qu’avec certains bailleurs (essentiellement les bailleurs de centres commerciaux et l’Union nationale des propriétaires immobiliers).
De nombreuses entreprises ne sont donc pas concernées par ce dispositif qui est en tout état de cause limité dans ses effets.
Par conséquent, sur un plan plus général, sera-t-il possible d’obtenir l’annulation des loyers sur la période concernée, en tout ou partie, et les entreprises non concernées par l’accord ont-elles également droit au moins à une suspension ?
Plusieurs points sont à considérer.
La première chose à vérifier est le contenu des baux.
Ensuite se pose la question des mécanismes de droit commun :
- Le respect par le bailleur de son obligation de délivrance d’un local conforme à sa destination contractuelle ;
- La notion de force majeure, c’est-à-dire un événement imprévisible, irrésistible et extérieur qui empêche le débiteur d’exécuter son obligation (ici le paiement du loyer) ;
- La notion d’imprévision, qui permet à une partie à un contrat de demander au juge de réviser le prix de la prestation si l’exécution est devenue excessivement onéreuse ;
- Plus généralement, l’exception d’inexécution, qui permet à un contractant de ne pas exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne.
Les obligations principales d’un contrat de bail sont, pour le bailleur, la délivrance du local loué au locataire et, pour le preneur, le paiement du loyer.
L’impossibilité d’exécuter le contrat résultant de l’épidémie paraît être plus en rapport avec l’obligation du bailleur qu’avec celle du locataire. C’est ce cas de force majeure qui empêche le bailleur de délivrer un local totalement conforme à sa destination, puisqu’il ne permet plus l’accueil du public (il est cependant toujours disponible et le locataire peut y laisser son stock, matériel, etc.). En revanche, le confinement n’empêche pas au sens strict le paiement du loyer par le preneur.
Certes, le bailleur a un motif légal à la délivrance non conforme ; en revanche, le preneur pourrait être en mesure d’opposer à son bailleur l’exception d’inexécution pour s’opposer au paiement du loyer durant la période de suspension (en tout ou partie ? le bailleur sera peut-être en mesure de rappeler que le local est disponible et accueille toujours les biens du preneur).
Cette hypothèse paraît pouvoir être appliquée par les entreprises dont l’ouverture a été interdite par l’arrêté du mois de mars.
Les autres entreprises en revanche n’ont pas interdiction d’ouvrir et ne semblent donc pas pouvoir se prévaloir de ces arguments.
Pour celles-ci, l’octroi de délais paraît en revanche parfaitement envisageable, tant sur la base de la suspension négociée par le gouvernement, si elles entrent dans les entreprises éligibles, que sur les textes de droit commun (qui nécessitent néanmoins une action judiciaire préalable).
La dernière hypothèse est celle de l’imprévision, dispositif légal consacré par la récente réforme des obligations (2016) qui permet de demander la renégociation d’un contrat dont l’exécution est devenue excessivement onéreuse.
Néanmoins, il faut relever que la quasi-totalité des baux commerciaux rédigés depuis 2016 exclue le mécanisme de l’imprévision.