La crise sanitaire et la tenue des assemblées générales dans les sociétés
I. LA TENUE DE TOUTE ASSEMBLEE
L’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-321 a été prise en application de l’article 11 de la loi d’urgence du 23 mars 2020, elle est applicable aux assemblées et réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 jusqu’au 31 juillet 2020 sauf prorogation.
- Forme de l’assemblée
Cette ordonnance prévoit que l’assemblée peut, sur décision de l’organe de convocation, prendre la forme d’une conférence audiovisuelle ou téléphonique (art 4) permettant d’identifier la personne qui y participe et de retransmettre de manière continue les échanges.
Il peut également être décidé que la délibération se fera par voie de consultation écrite lorsque la loi prévoit cette faculté et sans que les statuts ou un contrat d’émission ne puissent s’y opposer (Art.6 de l’ordonnance, cela est prévu dans les SARL à l’article L.223-27 c.com excepté pour l’approbation des comptes).
La rédaction de l’article 4 démontre que ce choix peut être opéré quand bien même les convocations ont déjà été envoyées. Ce qui compte c’est que le choix opéré par l’organe de convocation soit communiqué aux membres de l’assemblée 3 jours ouvrés avant la tenue de ladite assemblée (art.7).
- Accès aux documents
En toute logique, l’article 3 dispose que la communication des documents ou informations préalable à la tenue de l’assemblée pourra être effectuée par message électronique sous réserve que le membre qui en fait la demande indique dans cette dernière, l’adresse électronique à laquelle la communication peut être réalisée.
- Quorum
Sans qu’une clause des statuts ne soit nécessaire ou ne puisse s’y opposer, l’organe de direction peut décider que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres des assemblées (y compris les personnes qui ont droit d’y assister sans voter) qui participent par conférence téléphonique ou audiovisuelle à cette dernière tant que ces procédés permettent la retransmission continue et simultanée des délibérations (art 5).
- Décision de l’organe de direction faisant application de ces modalités
Lorsque de tels choix sont opérés, l’ordonnance impose à l’organe de convocation d’en informer les membres de l’assemblée par tous moyens permettant d’assurer leur information effective trois jours ouvrés au moins avant la date de l’assemblée sans préjudice des formalités qui restent à accomplir avant la date de décision (art 7).
- Cas particuliers des Sociétés dont les actions/titres sont admis(es) aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation
L’article 1 de l’ordonnance prévoit que lorsqu’une Société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociations doit procéder à la convocation d’actionnaires par voie postale alors, si l’une de ces convocations n’a pas pu être réalisée pour des raisons extérieures à la société, la nullité de l’assemblée n’est pas encourue.
L’article 7 quant à lui indique que lorsque l’organe de convocation de ces Sociétés décide de recourir aux possibilités offertes par l’ordonnance (portant sur la forme des délibérations et la méthode de calcul du quorum et de la majorité) alors que les formalités relatives à la convocation des assemblées (en application de l’article L.225-104 ou de l’article L.228-59 du code de commerce) ont déjà été réalisées, il doit en informer les actionnaires par voie de communiqué dont la diffusion effective et intégrale est assurée par la société. Ce choix ne conduit pas à considérer la convocation déjà réalisée comme irrégulière ainsi, aucune nouvelle convocation n’est à effectuer après ledit communiqué.
- Les Sociétés anonymes et les assemblées d’obligataires
De plus, en ce qui concerne les décisions prises au sein des Sociétés Anonymes, l’ordonnance indique qu’il convient de continuer à respecter les articles L.225-107 et R.225-97 du Code de commerce. Or, ces derniers prévoient déjà l’hypothèse dans laquelle les statuts stipulent que les délibérations peuvent être prises en visioconférence ou par moyens de télécommunication. L’article R.225-97 c.com indique là aussi que ces moyens doivent retransmettre la voix des participants et permettre la retransmission continue des délibérations.
S’agissant des assemblées d’obligataires, il convient également de continuer à respecter les dispositions des articles L.228-61 et R.228-71 du Code de commerce qui organisent le vote à distance des obligataires.
II. LES DELAIS POUR APPROUVER LES COMPTES
S’agissant des délais fixés par l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-318, l’article 3 dispose dans un premier temps que les délais imposés par les textes ou par les statuts pour approuver les comptes et les documents qui y sont joints « ou pour convoquer l’assemblée » chargée d’y procéder sont prorogés de 3 mois.
Cela est valable pour les personnes morales clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence. Dès lors, le délai de 6 mois pour approuver les comptes passe à 9 mois (SA L.225-100 c.com, SARL L.223-36 c.com et SAS L.227-9 du c.com).
S’agissant des délais de convocation, eu égard à l’écriture même du texte, ils passeraient de 15 jours à 3 mois et 15 jours (SA – R.225-69 c .com, SARL- R.223-20 c.com et SAS – R.227-2 c.com sur renvoi). Cela ne semble pas souhaitable eu égard aux finalités du texte. Il semble s’agir d’une mauvaise interprétation de l’ordonnance. Cela est d’ailleurs confirmé par le rapport du Président de la République qui ne cible que le report de l’approbation des comptes en elle-même. Finalement, cela serait éventuellement applicable aux SAS qui prévoient dans leurs statuts que la convocation de l’assemblée d’approbation des comptes devra intervenir dans certain délai à compter de la clôture de l’exercice (en raison de la liberté laissée par l’article L.227-9 c.com).
Cas particuliers :
- Pour les SA, l’article 1 dispose que le délai accordé au directoire pour présenter les comptes et le rapport de gestion au conseil de surveillance est prorogé de 3 mois. On passe donc de 3 mois (R.225-55 c.com) à 6 mois.
- Pour les Sociétés ayant 300 salariés ou plus, ou dont le montant du CA est égal ou supérieur à 18 000 000 euros (L.232-2 et R.232-2 du c.com), l’article 4 de l’ordonnance prévoit que les délais d’établissement des documents intermédiaires qu’elles doivent établir sont prorogés de 2 mois. A cet égard, l’article R.232-3 c.com dispose que le CA, le directoire ou les gérants établissent semestriellement dans les 4 mois qui suivent la clôture de chacun des semestres de l’exercice, les situations comptables intermédiaires. Aussi, elles pourront le faire dans les 6 mois. Pour ce qui est du tableau de financement, du plan de financement provisionnel et le compte de résultat prévisionnel à établir annuellement, il faudra donc les fournir dans les 6 mois de la clôture de l’exercice puisque le texte visait 4 mois.
- Pour les sociétés en liquidation, l’article L.237-35 du code de commerce prévoit que le liquidateur doit établir les comptes annuels dans les 3 mois de la clôture de l’exercice. Ce délai passe à 5 mois du fait de l’article 2 de l’ordonnance.